Atelier sur le développement des pokémons

 

Voici le texte qui correspond à notre atelier dont le support est ici :
Alors en fait voilà, nous sommes de grands fans de Pokémon Go et des bioinformaticien.ne.s un peu tatillons donc nous vous proposons une série de deux ateliers pour vous expliquer pourquoi le bouton Évoluer de Pokémon Go est très mal nommé et qu’il devrait en fait s’appeler Développement !
Accrochez vos ceintures et préparez-vous à effleurer le merveilleux monde du développement et de l’évolution…
 

Introduction et définitions

Nous allons commencer par le développement et comme dans bioinformaticien.ne.s il y a bio, nous allons commencer par quelques définitions, usage oblige 🙂
Le développement post-embryonnaire consiste en l’ensemble des étapes qui mènent de la naissance (du bébé ou de l’œuf) à l’état adulte. Il existe deux types de développement post-embryonnaire : le développement embryonnaire direct et le développement embryonnaire indirect. Si vous le voulez bien, on va commencer par le développement post-embryonnaire indirect.

Développement indirect

Le développement post-embryonnaire indirect, aussi appelé développement par métamorphose, est un développement qui conduit de l’état larvaire à l’état adulte par des changements phénotypiques importants ; c’est-à-dire des bouleversements du plan d’organisation de l’individu comme l’apparition de pattes, la perte des branchies et le développement des poumons, la perte de la queue, et le grossissement des yeux. Cela s’accompagne généralement d’un changement de milieu de vie de l’animal comme le passage d’un milieu de vie purement aquatique à un milieu de vie amphibie (où l’animal est à la fois à l’aise dans l’eau et sur la terre). Est-ce que cela vous évoque une bestiole en particulier ?

Les différentes étapes de la métamorphose du têtard en grenouille.

Et oui, le têtard et la grenouille, bien joué 😉
Si vous regardez attentivement la suite d’images qui montre la suite des étapes du développement indirect du têtard en grenouille, vous pouvez remarquer que les pattes avant de la grenouille traversent les vestiges de branchies avant même que les poumons ne soient formés… À ce moment là, la grenouille respire par la peau ! C’est une étape très critique de la métamorphose de la grenouille, ce qui explique qu’il y ait beaucoup beaucoup plus de têtards que de grenouilles adultes : moins de 5% de survie dans les élevages intensifs ! (D’après https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/dadd10grenouille.pdf)
D’une façon générale dans le développement indirect, l’animal bébé ne ressemble pas du tout à l’animal adulte. Cela arrive souvent dans la nature, notamment chez les insectes, par exemple chez le papillon Machaon (que l’on peut voir sur le poster). Il y a 3 stades bien distincts :
  1. le stade chenille
  2. le stade chrysalide
  3. le stade papillon
Est-ce que, par hasard, cela vous ferait penser à un pokémon ?

La « famille » de Papilusion : Chenipan, Chrysacier et Papilusion

 Oui, effectivement, les développeuses et développeurs pokémon se sont beaucoup inspirés de la nature pour créer les pokémons et la famille de Papilusion est directement tirée des papillons. Nous avons donc Chenipan qui correspond au stade chenille, Chrysacier qui correspond au stade chrysalide et Papilusion qui correspond au stade  adulte papillon.

Développement direct

Maintenant que vous avez intégré les bases du développement indirect, passons au développement direct ! Dans le cadre du développement direct l’animal à la naissance ou à l’éclosion ressemble à un adulte en miniature, à quelques petites variations près. De nombreuses espèces subissent un développement post-embryonnaire direct : c’est le cas de l’espèce humaine par exemple. Un bébé humain ressemble à un ou une adulte en « miniature », à quelques détails près : à l’adolescence on va constater l’apparition de caractères sexuels secondaires comme la pousse des poils pubiens, le développement des seins, la mue ou encore l’élargissement du bassin.
Les mammifères (les espèces caractérisées par la présence de poils et de mamelles, oui même les mammifères marins ont des poils au niveau du museau) font du développement post-embryonnaire direct comme le phoque de Wedell (présenté sur le poster) mais pas seulement. C’est aussi le cas du poussin et de la poule.

Un coquille vide, un poussin et une poule adulte

Comme on peut le voir sur l’illustration précédente, il n’existe que peu de différences entre le poussin et la poule : apparition de la crête et des barbillons rouges.
Il ne faut pas prendre en compte la coquille bien sûr ! Ça serait comme prendre en compte le ventre d’une personne enceinte comme représentatif de l’espèce !
Et maintenant chez le monde des pokémons, est-ce que vous en voyez ?

Voltorbe et Électrode

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Un peu de révision !

À vous de dire s’il s’agit de développement direct ou indirect parmis ces espèces de pokémons !

Aspicot, Coconfort et Dardagnan ¹

Soporifik et Hypnomade ²

Retenez bien : que ce soit dans le développement direct ou dans le développement indirect tout se passe pendant le temps de vie de l’individu !!!

Les bonbons pokémons

Maintenant que vous êtes rodéEs sur le développement direct et indirect, nous allons passer à un autre grand mystère (selon nous) du jeu Pokémon Go : les fameux bonbons nécessaires pour faire développer (et non pas évoluer) un pokémon d’un stade à l’autre. À quoi peuvent bien correspondre ces bonbons dans la vraie vie ? Formulez vos hypothèses !
Notre hypothèse à nous est qu’il s’agit tout simplement de nourriture ! En effet, les espèces à développement indirect dans la nature, comme le papillon Machaon dont nous avons déjà parlé tout à l’heure, doivent manger une certaine quantité de nourriture prédéterminée qui leur permettra d’avoir les réserves nécessaires pour subir les différentes étapes de leur métamorphose !
Les bonbons pokémons semblent bien refléter cette réalité pour les pokémons à développement indirect comme Chenipan, Chrysacier et Papilusion. Dans le jeu, pour chaque animal de cette famille attrapé on gagne 3 bonbons pokémons. On admettra que l’on n’attrape que des Chenipan et qu’on n’en transfère aucun au professeur (pour plus de simplicité).
Sachant qu’il faut 12 bonbons pour métamorphoser un Chenipan en Chrysacier, quel pourcentage de Chenipan se métamorphose en Chrysacier ? ³
Maintenant il faut 50 bonbons pour métamorphoser un Chrysacier en Papilusion, quel pourcentage de Chrysacier se métaphose en Papilusion ?
Au total, il faut 62 bonbons pour métamorphoser un Chenipan en Papilusion, c’est-à-dire qu’environ 5% des Chenipan attrapés se métamorphoseront en Papilusion, ce qui correspond au taux de survie des papilllons Machaon dans la nature ! Les développeuses et les développeurs Pokémon ont fait un plutôt bon boulot pour représenter les réalités du développement indirect dans leur jeu ! Mais qu’en est-il du développement direct ?
Il faut que les pokémons à développement direct se nourissent aussi pour passer d’un stade de développement à l’autre aussi, donc il est possible de considérer les bonbons pokémons comme de la nourriture également.
En revanche, une autre notion peut se dégager de la « rareté » de la nourriture des pokémons.
Laissez-nous vous expliquer… Pour Soporifik/Hypnomade que nous avons vu plus haut il faut 50 bonbons Pokémon, ce qui fait qu’environ 1 sur 17 Soporifiks attrapés peut atteindre le stade adulte d’Hypnomade. Au vu des faibles modifications que cela implique, est-ce que cela vous paraît cohérent ? Quelles hypothèses pouvez-vous formuler ?

Soporifik et Hypnomade

Est-ce que vous savez ce qu’il se passe dans une meute de lionnes quand elles sont trop nombreuses ?
Elles se battent pour l’accès à la reproduction et à la nourriture… C’est pour ça que nous pensons que la « rareté » de la nourriture pour les Pokémons à développement direct peut s’expliquer par la volonté des développeuses et des développeurs Pokémon Go de vouloir contrôler la taille des populations, comme cela se passe dans la nourriture. Comme quoi les développeuses et les développeurs Pokémon ont pensé à beaucoup de choses en créant ce jeu…
Maintenant, passons à quelques cas particuliers, mais d’abord nous vous suggérons de faire une petite pause bien méritée !

Pokémon et le dimorphisme sexuel ou le cas Nidoran

Nidoking et Nidoqueen

Les Nidoran mâles et femelles se développpent par un développement direct qui comporte trois stades au cours desquels ils passent d’une forme quadripède à une forme bipède.
Le cas des Nidoran est quelque peu étrange : il existe une espèce femelle composée du Nidoran femelle, de Nidorina et de Nidoqueen ; et une espèce mâle composée du Nidoran mâle, de Nidorino et de Nidoking. Cela vous paraît-il étrange ?
Celà devrait ! Celà n’a aucun sens de classer dans deux espèces différentes les femelles et les mâles, quand bien même il y aurait quelques différences d’aspect général et de couleur. En effet, celà est très classique dans la nature et porte un nom particulier en biologie : le dimorphisme sexuel.
Le dimorphisme sexuel, c’est-à-dire l’ensemble des différences morphologiques plus ou moins marquées entre les individus femelles et mâles d’une même espèce, est un phénomène courant dans le règne animal.

Faisan femelle (à gauche) et mâle (à droite)

Le dimorphisme sexuel se retrouve chez les oiseaux comme illustré ici par le faisan, mais aussi chez le canard col-vert où le mâle est également beaucoup plus coloré que la femelle, comme c’est souvent le cas chez les oiseaux :

Canard col vert femelle (à gauche) et mâle (à droite)

Le dimorphisme sexuel se retrouve aussi chez les mammifères (comme dans l’espèce humaine ou bien chez le cerf le mâle porte des bois contrairement à la femelle) ou chez certains Insectes comme les Mantidés où les femelles sont (le plus souvent, nous sommes en biologie, toute règle a ses exceptions !) beaucoup plus colorées que les mâles.
Bref, les développeuses et les développeurs Pokémon ont fait une bêtise en classant comme deux espèces différentes les Nidoran femelles et mâles. En effet, ceux-ci peuvent se reproduire entre eux, vivent dans le même environnement et leurs bébés peuvent se reproduire entre eux. Ceci caractérise bien une seule et même espèce qui présente tout simplement du dimorphisme sexuel.

L’adaptation à l’environnement ou le cas Évoli

Que se passe-t-il avec Évoli ? Ce mignon Pokémon présente trois forme adultes différentes que l’on obtient, dans le jeu d’origine, en fonction des pierres auxquelles on l’expose. 3 formes différentes pour le même pokémon ?! Comment expliquer cela ?
Il s’agit d’un cas extrême d‘adaptation à l’environnement, comme le montre le schéma ci-dessous :

Représentation du mécanisme d’adaptation à l’environnement d’Évoli, qui selon les éléments (feu, eau, électricité) va se développer en trois formes différentes (Pyroli, Aquali, Voltali)

Il faut bien faire attention à ne pas considèrer Pyroli, Aquali et Voltali comme trois espèces différentes. Il s’agit bel et bien de la même espèce qui se développe en trois formes (plus avec les autres générations de Pokémons !) selon l’environnement auquel l’Évoli bébé est exposé.
Ce genre de phénomène existe dans la nature mais de façon beaucoup moins spectaculaire. Ainsi, l’escargot des haies présente des individus sans bandes et aux couleurs marron ou rose dans les milieux forestiers tandis que dans les milieux herbacés l’escargot des haies présente une coquille plus jaune avec des bandes. Et il s’agit bien d’une seule et même espèce .
Un autre exemple possible est celui des phasmes.

Conclusion

Le bouton Évoluer est très mal nommé dans Pokémon Go, il devrait s’appeler Développement ! Ne faites plus l’erreur de dire que Magicarpe évolue en Léviator mais dites-bien que Magicarpe se développe en Léviator 😀
Et d’ailleurs, dernière question : est-ce qu’il s’agit de développement direct ou indirect ?

Réponses

¹: bien vu il s’agissait bien de développement indirect, ce qui est assez rare chez les pokémons

²: bravo, il s’agit bien de développement direct

³: 3 / 12 soit 1 / 4 soit 25%

⁴: 3 / 50 ~= 1 /17 soit 5,88%

⁵: 3 / (12 + 50) * 100

⁶: http://codexvirtualis.fr/codex/cabinet-de-curiosites-virtuel/des-animaux-et-des-milieux/tous-differents-une-espece

⁷: (cf http://lesfanasdesphasmes.com/biologie/phasmes/camouflage/  au fil des mues ils peuvent rechanger au fur et à mesure des mues,  par exemple de marron vert blanc puis de nouveau marron

⁸: indirect bien sur